Dans la pratique, les partenaires d’une SAS signent fréquemment des protocoles d’investissement ou des pactes d’associés pour organiser leurs relations, sans modifier les statuts (plus lourds à changer et opposables aux tiers). Deux décisions récentes de la Cour de cassation (9 juillet 2025) et un rappel de 2022 tracent une ligne claire : un engagement extra-statutaire peut compléter les statuts, pas y déroger, et il n’emporte pas, à lui seul, modification des statuts.
Ce que dit la Cour : complément oui, dérogation non
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 octobre 2022, a posé le principe : les actes extra-statutaires (pacte, protocole, lettre-accord) peuvent compléter les statuts d’une SAS mais ne peuvent pas les contredire, notamment sur la révocation des dirigeants, matière que les statuts fixent souverainement.
Dans un arrêt du 9 juillet 2025, la haute juridiction confirme et nuance : n’est pas contraire aux statuts prévoyant la révocation sans indemnité la clause d’un protocole d’investissement où les signataires s’engagent personnellement à “faire le nécessaire” pour que la décision de nomination du dirigeant prévoie une indemnité en cas de révocation prématurée. Autrement dit, l’engagement lie ses signataires, sans pour autant modifier les statuts ou y déroger.
Conséquence pour les dirigeants et associés
- Force des statuts : une décision sociale, même unanime, ou un pacte ne peut annuler une règle statutaire. À défaut de modification régulière des statuts, toute décision contraire est exposée à la nullité.
- Force contractuelle du pacte : un engagement extra-statutaire crée des obligations entre signataires (dommages-intérêts, exécution forcée le cas échéant), mais il n’oblige pas la société elle-même si elle n’est pas partie à l’acte (sauf décision sociale conforme adoptée par les organes compétents).
En pratique : si un protocole prévoit qu’un DG aura une indemnité en cas de révocation avant 2 ans, cette stipulation peut valablement lier les signataires (investisseurs, associés) et se traduire par une résolution de l’associé unique ou de l’AG intégrant l’indemnité. Ce n’est pas une dérogation aux statuts tant que la mécanique respecte les compétences des organes et n’impose pas aux statuts l’inverse de ce qu’ils prévoient.
Bonnes pratiques pour sécuriser vos engagements sans casser les statuts
Rédiger en miroir
Rédigez statuts et pacte ensemble. Les statuts gardent les règles institutionnelles (organes, pouvoirs, révocation, quorum), le pacte affine les relations entre signataires (préemption, sortie conjointe, non-concurrence, promesses, engagements de vote). Si une clause contractuelle touche un point réservé aux statuts, envisagez une clause-relai dans le pacte et la résolution sociale correspondante. Pensez aussi à coordonner les aspects opérationnels (ouverture d'un compte pro, désignation des pouvoirs sur le compte) avec les décisions sociales.
Qualifier correctement la clause
Préférez les formulations d’engagements personnels (“faire le nécessaire pour… adopter une résolution prévoyant…”) plutôt qu’une clause qui impose directement à la société un régime contraire aux statuts. C’est la subtilité validée par l’arrêt du 9 juillet 2025.
Adopter la décision sociale adéquate
Quand l’engagement vise une résolution (ex. : prévoir une indemnité de révocation), inscrivez-la à l’ordre du jour et votez-la selon les modalités statutaires (majorités, quorum, organe compétent). À défaut, vous prenez le risque de l’inopposabilité à la société ou de la nullité.
Anticiper les entrées et sorties d’associés
Un pacte n’est opposable qu’aux signataires. Prévoyez des clauses d’adhésion pour les nouveaux entrants et des sanctions contractuelles en cas de violation (promesses de rachat, pénalités, dommages-intérêts).
Exemple concret avec l’arrêt du 9 juillet 2025
Les statuts prévoient la révocabilité sans indemnité du DG. Un protocole d’investissement stipule que ses signataires feront le nécessaire pour que la décision de nomination du DG prévoie une indemnité forfaitaire si la révocation intervient avant deux ans. La Cour valide : l’engagement n’efface pas la règle statutaire, mais crée une obligation entre les signataires qui doit se traduire au bon niveau (résolution). Le pacte complète les statuts, sans y déroger.