Les commerçants fermés pendant la Covid-19 devront payer leurs loyers

La Cour de cassation a jugé fin juin que les commerçants contraints de fermer pendant les périodes de confinement devaient payer leurs loyers. En effet, selon la haute juridiction, le confinement ne constitue pas un cas de force majeure.

Le montant total des loyers estimé à plus de 3 milliards d’euros

Pendant le confinement du printemps 2020, près de la moitié des commerçants ont dû fermer leurs portes pour freiner la propagation du virus. Le ministère de l’Économie et des Finances estime à plus de 3 milliards d’euros le montant total des loyers et charges locatives non payés alors que les entreprises ont pu bénéficier de mesures de soutien et de dispositifs d’aide (fonds de solidarité, coûts fixes et aides loyers).

Plusieurs professionnels ont déposé des pourvois devant la Cour de cassation pour obtenir une ristourne sur leurs loyers. La juridiction en a choisi trois pour se prononcer sur l’ensemble des fondements juridiques.

Une perte de la chose injustifiée

Dans les trois arrêts, qui opposaient les gérants de petits commerces à leurs bailleurs,  la Cour a donné raison à ces derniers estimant que l’interdiction de sortir de chez soi était une « mesure générale et temporaire » non imputable aux bailleurs et dont le seul objectif est de « préserver la santé publique ». Celle-ci n’a donc pas eu pour effet de priver définitivement les commerçants d’utiliser leurs locaux.

Considérant qu’un « locataire peut demander la baisse du prix du bail ou sa résiliation s'il a perdu la chose qu'il loue dans des conditions fortuites », la Cour de cassation conclut que les commerçants ne sont pas en droit de réclamer une réduction de leurs loyers. En effet, l’interdiction de recevoir du public dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne peut être assimilée à une perte de la chose.

 

Pas de force majeure

L’autre argument balayé par la Cour de cassation est celui de la force majeure. L’article 1218 du Code civil précise qu’en matière contractuelle, la force majeure est reconnue dès lors qu’un évènement échappe au contrôle des personnes et est par nature inévitable. L’évènement doit être extérieur, imprévisible et incontournable.

« Les mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre la propagation du Covid-19 n’ont pas écarté l’application du droit commun de la relation contractuelle », justifie la Cour. Autrement dit, les locataires qui ne se trouvent pas dans l’impossibilité d’exécuter leur obligation de payer leurs loyers ne peuvent invoquer la force majeure pour y déroger.

Suite à la publication de la décision de la Cour de cassation, les avocats des différents commerces concernés ont réagi.

« C'est une décision décevante pour les preneurs (les locataires, ndlr), qui vont maintenant envisager la manière d'engager la responsabilité de l'État », rapporte auprès de l'AFP Me Guillaume Hannotin, avocat de la chaîne de magasins discount Action.

 

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 juin 2022, 21-19.889

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 juin 2022, 21-20.127

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 juin 2022, 21-20.190