Epargne réglementée : la Caisse des Dépôts rappelée à l’ordre par la Cour des comptes

Dans son rapport sur l’épargne réglementée publié lundi 5 septembre, la Cour des comptes met en garde la Caisse des Dépôts et Consignations (nouveau groupe CDC) quant au respect du modèle spécifique du fonds d’épargne. Elle craint notamment que la transformation de la CDC entraîne une « fongibilisation du fonds d'épargne dans le cadre d'une stratégie globale de groupe ».

L’épargne réglementée, une particularité française

L’épargne réglementée, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport, est « une particularité française qui a peu d’équivalents en Europe ».

Elle regroupe plusieurs produits d’épargne dont les conditions de fonctionnement sont établies par l’État : le Livret A, le Livret bleu, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), le Livret d’épargne populaire (LEP), le compte d’épargne logement (CEL), le plan d’épargne logement (PEL), le Livret jeune et le Livret d’épargne entreprise (LEE).

La rémunération de ces produits est encadrée par les pouvoirs publics, et « suit l’évolution générale des taux d’intérêt et de l’inflation ». Par ailleurs, le Livret jeune, le LEP, le LDDS et le Livret A bénéficient d’une exonération fiscale et sociale.

La Cour des comptes souligne dans son rapport le caractère stable des produits d’épargne réglementée, qui présentent plusieurs atouts pour les banques : d’une part, « le capital est garanti par l’État et ne pèse pas sur leurs fonds propres », d’autre part, « la gestion de la liquidité relève du fonds d’épargne ».

Le nouveau groupe CDC et sa gestion du fonds d’épargne

La gestion du fonds d’épargne a été confiée à la Caisse des Dépôts dès 1837. Comme le rappelle la Cour des comptes, « les prêts octroyés par le fonds d’épargne ont accompagné nombre de grandes politiques publiques d’investissement d’intérêt général : logement social, développement du rail, électrification ».

La loi assure l’autonomie de la gestion du fonds d’épargne, et le cadre de gestion est fixé par un accord entre la CDC et les pouvoirs publics. La Cour des comptes souligne que la CDC a connu au cours des années passées « plusieurs réorganisations accompagnées de transferts d’activités ». Il résulte de ces transformations que le fonds d’épargne n’est plus « une direction au sens organisationnel du terme ».

Depuis le 4 mars 2020, la Caisse des Dépôts détient 66 % du capital de La Poste, et en est donc l’actionnaire majoritaire.

Or, d’après la Cour des comptes, « la profonde transformation de la CDC en un groupe très étendu d’activités sous mandat, d’activités quasiment industrielles avec La Poste et d’activités bancaires, assurantielles et financières avec la Banque Postale, CNP et BPI France déplace son centre de gravité métiers et déforme sa structure bilantielle ».

Si le fonds d’épargne relève toujours d’un cadre de gestion bien spécifique, la « stratégie globale de groupe » pourrait amener la CDC à « intégrer le fonds d’épargne dans le groupe », ce contre quoi la Cour des comptes met la Caisse des Dépôts en garde.

La CDC, de son côté, a assuré à la Cour des comptes que le fonds d’épargne était séparé de ses autres activités par une « muraille de Chine ». Pourtant, le rapport met en doute cette réalité, expliquant qu’il existait « des relations financières croisées » entre le fonds d’épargne « et la section générale et même certaines filiales du groupe ».

La Cour des comptes alerte tout particulièrement sur le risque que représenterait « la recherche de synergies entre le fonds d’épargne et les autres entités du groupe », ce qui pourrait amener à tenter « de rendre fongible la part centralisée au fonds d’épargne avec l’ensemble des ressources du bancassureur public qu’est devenu le groupe CDC ».

Il est pourtant indispensable, selon le rapport, que le « statut particulier » du fonds d’épargne soit préservé.