Royaume-Uni : une fraude colossale aux prêts garantis par l’État

Au Royaume-Uni, le dispositif de prêts garantis par l’État (PGE) a donné lieu à une fraude massive, estimée pour le moment à 4,9 milliards de livres, soit 5,8 milliards d'euros. Certains prêts ont servi au financement de dépenses personnelles, et des organisations criminelles ont également pu bénéficier de ces fonds.

Des erreurs pointées du doigt par l’ex-secrétaire d’État à la lutte contre la fraude

Comme la France et de nombreux autres pays, le Royaume-Uni a mis en place dès le début de la crise sanitaire un dispositif de prêts garantis par l’État, les « bounce back loans » (« prêts de rebond »).

Leur succès a dépassé les prévisions du gouvernement britannique : entre le mois d’avril 2020 et le mois de mars 2021, ce sont au total 47 milliards de livres qui ont été distribuées sous forme de prêts de rebond, alors que le gouvernement avait prévu une enveloppe initiale de 26 milliards de livres.

Au mois de janvier 2022, le secrétaire d’État à la lutte contre la fraude Theodore Agnew avait démissionné après avoir dénoncé « des erreurs de niveau d’écolier en primaire » de la part du gouvernement britannique, incapable selon lui de prendre des mesures pourtant indispensables pour éviter une fraude massive.

Certaines entreprises ont ainsi pu obtenir un prêt garanti par l’État alors même que, après vérification, elles n’étaient pas en activité au moment de leur demande. Par ailleurs, de nombreuses sociétés ont vu le jour en 2020 et 2021, 20 % de plus que la moyenne des 5 années pré-pandémie. Il est fort probable que certaines de ces sociétés n’aient été créées que dans le but de bénéficier d’un financement.

 

Financement de dépenses personnelles et d’organisations criminelles

Si l’on ignore de quel montant de la fraude ont pu bénéficier certaines organisations criminelles, on sait d’ores et déjà, grâce aux révélations du quotidien le Times, que les autorités frontalières britanniques ont intercepté dans les aéroports des voyageurs transportant « de grosses sommes d’argent soupçonnées d’être liées à des prêts de rebond ».

On sait également que certains de ces prêts de rebond ont été utilisés pour financer des dépenses personnelles, comme l’achat de voitures, de montres ou la réalisation de travaux.

Le Insolvency Service, l’organisme public britannique en charge des faillites, a fourni fin mars quelques exemples avérés de fraude aux prêts de rebond.

Deux sociétés, LV Distributions et SIO Traders, ont ainsi été liquidées après que leur fraude a été découverte : les deux entreprises avaient fourni de faux documents à au moins 41 autorités locales pour obtenir un prêt garanti par l’État d’un montant de 230 000 livres.

Le dirigeant d’une entreprise de nettoyage, N&S Solutions, a pu obtenir un prêt de 30 000 livres en mai 2020 alors que sa société était insolvable et avait cessé ses activités commerciales, rendant impossible toute perspective de remboursement.

Chunky Chicken, une entreprise de plats à emporter, a obtenu un prêt de 50 000 livres. Problème : les deux dirigeants avaient en réalité vendu leur société depuis décembre 2019, et ont utilisé cette somme pour rembourser un créancier membre de la famille.

Certains prêts de rebond obtenus frauduleusement ont également été dépensés dans des jeux d’argent.