Le pic de l’inflation bientôt atteint dans la zone euro ?

Après plus d’un an et demi de hausse de l’inflation, le pic semble avoir été atteint aux États-Unis, où l’augmentation des prix a ralenti au mois d’octobre. En Europe, le pic de l’inflation pourrait être atteint d’ici la fin de l’année, mais la désinflation (reflux progressif) sera lente et de nombreuses incertitudes demeurent.

Les prix à la consommation en recul aux États-Unis

Si l’inflation se maintient à un niveau élevé aux États-Unis, le reflux semble toutefois s’amorcer après plus d’un an et demi de hausse quasi continue des prix à la consommation. Au mois d’octobre, l’inflation s’est repliée à +7,7 % sur un an, alors qu’elle avait atteint +8,2 % en septembre.

Les prix des loyers, des services médicaux, des véhicules d’occasion et des appareils électroménagers ont légèrement diminué ou se sont stabilisés par rapport au mois de septembre, rendant probable un ralentissement du rythme de la hausse des taux de la banque centrale américaine, qui atteignaient 4 % début novembre.

De l’avis de la Fed, de nombreux économistes, mais aussi des investisseurs et des ménages, le pic de l’inflation semble donc dépassé, ou sur le point de l’être, aux États-Unis, annonçant une année 2023 marquée par la désinflation.

Une inflation inégale selon les pays de la zone euro

Dans la zone euro, les prix à la consommation ont encore augmenté de 10,7 % sur un an au mois d’octobre, atteignant à nouveau leur niveau le plus haut. La progression de l’inflation est en grande partie due à la hausse des prix de l’énergie, de 42 % en moyenne sur les 12 derniers mois. Les prix de l’alimentation ne sont pas en reste, avec une hausse de 13 % sur un an en octobre, de même que ceux des biens industriels, qui ont augmenté de 6 % sur la même période.

L’inflation progresse de façon inégale selon les pays membres : c’est en France qu’elle est la plus contenue grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics, tandis qu’elle atteint des sommets dans les pays baltes, dépassant les +20 % sur un an.

 

Chaque État membre applique une politique budgétaire différente, ce qui creuse les écarts en termes de hausse des prix. En Allemagne, le soutien de l’État représente plus de 7 % du PIB, contre seulement 1 % en Estonie. Alors que les prix de l’énergie ont diminué en Allemagne et en Espagne au mois d’octobre, la hausse des tarifs réglementés les a fait augmenter en Italie.

Ces disparités vont entraîner d’autres difficultés, notamment en matière de compétitivité de chaque État membre : la progression inégale de l’inflation d’un pays de la zone euro à l’autre va en effet être à l’origine de revalorisations salariales très variables.

L’Europe s’approche à son tour du pic inflationniste

Reste que tous les États membres espèrent, à l’instar des États-Unis, dépasser rapidement le pic de l’inflation. Selon Paolo Gentiloni, le commissaire européen aux Affaires économiques, ce pourrait être le cas d’ici la fin de l’année, même si le contexte géopolitique très instable incite à faire preuve de prudence.

Toutefois, plusieurs signaux semblent indiquer que l’Europe se dirige vers un reflux progressif de l’inflation.

Tout d’abord, le coût du baril de pétrole a diminué : il s’établit actuellement entre 80 et 100 dollars, contre 100 à 120 dollars aux mois de mars- avril. Le prix du gaz, bien que supérieur à la période précédant la guerre en Ukraine, n’est désormais plus à son plus haut niveau. Ce repli était plus qu’attendu, alors que la hausse des prix de l’énergie représente 40 % de l’inflation en zone euro, et qu’elle est responsable d’une perte cumulée de revenus de 3,3 % du PIB de l’Union européenne.

 

Par ailleurs, on observe sur les marchés internationaux un recul du prix des matières agricoles, qui devrait entraîner une baisse des prix de l’alimentation. De plus, l’actuelle baisse des prix à la production en Chine aura également une incidence favorable, dans les mois à venir, sur les indices des prix à la consommation aux États-Unis et dans la zone euro. Pour finir, la tendance est au retour à la normale des chaînes de valeur internationales, et l’augmentation des salaires est restée limitée dans la zone euro.

Si tout semble indiquer que l’Europe s’approche, comme les États-Unis, du pic inflationniste, la désinflation risque fort d’être plus lente de ce côté de l’Atlantique, en raison notamment des mesures mises en place par plusieurs États membres en faveur du pouvoir d’achat, qui ont pour effet de soutenir la demande. D’après de nombreux économistes, l’inflation pourrait repasser sous le seuil des 5 % à l’automne 2023, puis s’établir autour de 2 % en 2024.

Cependant, si les économistes s’accordent sur une baisse des prix à la consommation à court terme, l’inflation risque selon eux à long terme de s’établir à un niveau plus élevé qu’avant la crise, à cause de la transition énergétique et du contexte géopolitique tendu. Cette situation pourrait s’avérer favorable pour certains pays, comme la France, qui auraient ainsi la possibilité de réduire progressivement leur dette publique.