Les autorités vigilantes face à l’essor du paiement fractionné

Le paiement fractionné, qui consiste à payer un achat en 3 ou 4 fois ou de façon différée, est en plein essor. Il n’est pas soumis à la réglementation sur le crédit à la consommation, et commence à attirer l’attention des autorités.

Un cadre réglementaire léger

Apparu en France en 2010, le paiement fractionné ou différé (« buy now pay later », BNPL) est aujourd’hui en plein essor. La pandémie de Covid-19 a incité les consommateurs à se tourner massivement vers le commerce en ligne, où le paiement en 3 ou 4 fois sur 3 mois connaît un grand succès.

Avant le début de la crise sanitaire, en 2019, 60 % des consommateurs européens avaient déjà choisi au moins une fois de régler un achat par le biais du paiement fractionné. Il faut dire que la procédure est très simple : en quelques secondes, les acheteurs obtiennent leur financement sans avoir l’impression de souscrire un crédit.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Lagarde en 2010, le crédit à la consommation fait l’objet d’une réglementation stricte. Cette réglementation impose notamment une obligation de conseil, la constitution d’un dossier et la signature d’un contrat, autant d’éléments dont sont exemptés les distributeurs et leurs filiales bancaires dans le cadre du paiement différé.

En effet, seuls les crédits d’une durée supérieure à 90 jours sont soumis à cette réglementation. Les distributeurs parviennent donc à la contourner en proposant des durées inférieures et des frais peu élevés, voire inexistants.

Des résultats excellents pour les acteurs du paiement fractionné

Les acteurs du paiement fractionné, parmi lesquels on trouve de nombreuses fintechs, multiplient les levées de fonds et les records de valorisation.

Les deux fintechs françaises Pledg et Alma ont réalisé au début de l’année 2021 deux levées de fonds conséquentes, de 80 millions d’euros pour Pledg et de 49 millions d’euros pour Alma. Le marché a dépassé en 2019 les 6 milliards d’euros en France.

La croissance est également au rendez-vous pour les filiales spécialisées des banques traditionnelles, comme pour Oney Banque, filiale de BPCE, dont la production de paiements fractionnés a augmenté de 40 % durant le dernier trimestre 2020.

La fintech suédoise Klarna, qui connaît un grand succès aux Etats-Unis, a quant à elle bouclé une levée de fonds d’un montant de 1 milliard de dollars début 2021, quelques mois seulement après avoir levé 650 millions de dollars en septembre 2020. C’est l’une des fintechs européennes les mieux valorisées, avec une valorisation à plus de 30 milliards de dollars.

Paiement fractionné : vers un cadre réglementaire plus contraignant ?

Pourtant, l’essor de ce marché et des fintechs qui le portent n’est pas toujours vu d’un bon œil par les autorités, qui craignent un surendettement des consommateurs optant pour le paiement fractionné.

Ainsi, au Royaume-Uni, 70 députés du Parti travailliste ont fait voter une loi visant à réguler le marché du paiement différé, avec pour mot d’ordre « Stop the Klarnage ». La Financial Conduct Authority (FCA), l’instance de régulation du secteur financier britannique, a également demandé une régulation urgente pour éviter une fragilisation économique des consommateurs.

En France, les autorités ne prévoient pas pour le moment de modifier la réglementation. Toutefois, la vigilance est de mise, comme l’a souligné le député LREM Philippe Chassaing, chargé par le gouvernement d’une mission sur le surendettement.