L'EBITDAC, un nouvel indicateur financier né de la crise sanitaire

On connaissait l’EBITDA, un indicateur utilisé par les dirigeants financiers pour présenter leurs résultats avant le retrait des intérêts et des charges. Désormais, place à l’EBITDAC, avec un « C » pour « coronavirus ». Ce nouvel indicateur issu de la crise sanitaire permet aux entreprises de présenter les résultats qu’elles auraient obtenus en l’absence de cette crise et des mesures de confinement.

Un indicateur financier qui enjolive les résultats

Le procédé n’est pas nouveau : les directions financières, avant la crise du Covid-19, avaient déjà l’habitude de présenter leurs résultats en utilisant l’EBITDA (« Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization »), un indicateur financier mesurant les bénéfices avant les intérêts, les impôts, les dépréciations et les amortissements.

Désormais, les entreprises utilisent l’EBITDAC, « Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization and Coronavirus », qui permet donc de présenter les bénéfices hors crise du Covid et de prendre en compte les résultats qui auraient été obtenus sans les mesures de confinement imposées par les États.

Des enjeux financiers de taille

L’EBITDA, et donc désormais l’EBITDAC, sont très utiles aux dirigeants financiers pour convaincre les investisseurs et les actionnaires de la bonne santé d’une entreprise et de ses capacités à créer de la richesse. Il permet notamment aux investisseurs de mieux estimer le prix d’acquisition d’une entreprise lors d’une opération de fusion-acquisition.

Cet indicateur est également pris en compte par les banques lorsqu’elles accordent des financements aux entreprises. Des clauses de remboursement anticipé, ou « covenants bancaires », sont intégrées au contrat de prêt et placent l’entreprise dans l’obligation de respecter certains ratios, dont l’EBITDA.

Un indicateur déjà très utilisé

Plusieurs sociétés ont déjà transformé leur EBITDA en EBITDAC. C’est notamment le cas de la société américaine CES Energy Solutions Corp qui a présenté, en plus de ses revenus de près de 350 millions de dollars au premier trimestre 2020, un EBITDAC de plus de 51 millions de dollars, cette somme représentant les bénéfices qui auraient été enregistrés en l’absence de crise sanitaire et de mesures de confinement.

Même chose pour le groupe industriel allemand Schenck Process, qui a ajouté à ses résultats du premier trimestre 2020 un EBITDAC de 5,4 millions d’euros. Alors que le résultat du groupe aurait dû être en baisse de 16 %, l’utilisation de l’EBITDAC lui permet de présenter une hausse de 20 %.

La société pharmaceutique espagnole Rovi a quant à elle annoncé un EBITDAC de 21 millions d’euros pour le premier trimestre 2020, présentant ainsi une hausse de 77 % par rapport au premier trimestre 2019.

La méfiance des analystes financiers et des régulateurs

Toutefois, tant du côté des analystes financiers que des régulateurs, on s’interroge sur la pertinence de ce nouvel indicateur financier. Contrairement à l’EBITDA, qui se base sur des éléments extérieurs concrets et mesurables (intérêts et taxes notamment), l’EBITDAC s’appuie sur des pertes qui sont difficilement mesurables et qui ne seront jamais récupérables.

Ce nouvel indicateur financier aurait donc une utilité limitée, d’autant que, comme l’indique Mathilde Fox, responsable de l’unité de formation et de recherche en finances à l’ICHEC Brussels Management School, interviewée au mois de mai à la RTBF : « Il est tentant de montrer des chiffres embellis aux bailleurs de fonds, aux banques et aux marchés financiers. Mais les analystes vont quand même regarder la situation de liquidités, le cash dont dispose une entreprise — et surtout les prévisions de liquidités. »