La qualification juridique du prêt de bitcoin précisée par une décision de justice

Le 26 février, le tribunal de commerce de Nanterre a qualifié le prêt de bitcoin de prêt de consommation, tel que défini par l’article 1892 du Code civil. Par cette décision, elle donne une qualification juridique à la plus ancienne cryptomonnaie, considérant le bitcoin comme un actif incorporel fongible et consomptible.

Le bitcoin reconnu comme actif incorporel fongible

Le tribunal de Nanterre a tranché et qualifie le bitcoin d’actif incorporel fongible, à savoir un bien interchangeable, mais non individualisable, tout comme la monnaie. De plus, le bitcoin est considéré comme consomptible : que ce soit pour payer des biens ou des services, pour le prêter ou l’échanger contre des devises, le bitcoin est « consommé » lors de son utilisation, au même titre qu’une monnaie légale, « quand bien même il n’en est pas une », précise le jugement.

Conséquence : lorsque l’on emprunte ou prête le bitcoin, il s’agit d’un prêt de consommation qui oblige à rendre la même quantité et la même qualité. Cette décision marque une avancée par rapport à la loi PACTE qui n’avait donné qu’une définition générique de ces monnaies numériques.

L’article 86 de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, désigne ainsi comme actif numérique « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. »

Une décision prise dans le cadre d’un contentieux

Cette décision a été prise par le tribunal de commerce de Nanterre dans le cadre d’un contentieux opposant Paymium, plateforme française d’échange de cryptomonnaies à BitSpread, une société anglaise de conseil financier.

En 2014, Paymium prête 1 000 bitcoins à BitSpread. En 2017, le bitcoin fait l’objet d’une scission, le hard fork, de laquelle naît une nouvelle cryptomonnaie, le bitcoin Cash, selon une parité d’un pour un. Selon la société Paymium, BitSpread aurait reçu des bitcoins Cash au titre des bitcoins qu’elle détenait le jour de la scission, et réclame leur restitution, soit 1 000 bitcoins et 1 000 bitcoins Cash. En 2017, BitSpread restitue à Paymium les 1 000 bitcoins initialement prêtés, mais Paymium réclame également les bitcoins Cash issus du hard fork.

Le tribunal de commerce de Nanterre a tranché en rejetant la demande de Paymium de recevoir les 1 000 bitcoins Cash, mais a en parallèle condamné BitSpread à verser à Paymium 100 000 euros en remboursement d’un prêt et 42 bitcoins Cash à titre d’intérêts. La société Paymium doit, elle, libérer les 53 bitcoins Cash bloqués à titre conservatoire sur le compte de BitSpread.

Le prêt de bitcoins étant considéré par la décision du tribunal comme un prêt de consommation, les risques sont supportés par l’emprunteur, mais il est également bénéficiaire des éventuels fruits de ce prêt.