Paiements : l’ACPR alerte sur les plans d’affaires trop ambitieux des fintechs

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée de l’agrément et de la surveillance des banques et des assurances, dénonce dans un récent rapport les plans d’affaires trop ambitieux des fintechs spécialisées dans le paiement ou la monnaie électronique, lorsque ces dernières demandent à obtenir un agrément. L’écart entre les plans d’affaires et les résultats de certaines fintechs est souvent très important.

Des charges élevées et une rentabilité faible

Pour s’imposer sur un marché très concurrentiel, les fintechs spécialisées dans le paiement ou la monnaie électronique doivent investir des sommes conséquentes dans la promotion et l’innovation. Par conséquent, comme le constate l’ACPR dans un rapport publié le 15 mars, intitulé « Panorama des nouveaux acteurs de paiement », certaines fintechs doivent faire face à des charges élevées, ce qui se traduit souvent par une rentabilité faible, voire inexistante.

« Pour les établissements de monnaie électronique et de paiement n’ayant pas encore atteint leur seuil de rentabilité, le poids de ces charges représentait ainsi en moyenne 373 % du produit d’exploitation », détaille le rapport.

À l’heure actuelle, 62 établissements de paiement et de monnaie électronique ont obtenu un agrément en France et sont en activité, proposant divers services liés aux paiements. Le nombre d’agréments délivrés a augmenté durant les dernières années, en raison de la directive européenne DSP2 sur l’open banking, en vigueur depuis 2018, mais aussi de l’essor du commerce en ligne. Sur les 62 établissements agréés, 32 l’ont été après 2018.

 

Les fintechs misent trop sur les levées de fonds

Selon l’ACPR, les plans d’affaires de nombre d’établissements de ce type, présentés lors des demandes d’agrément, sont beaucoup trop optimistes au regard des résultats réels.

L’autorité rappelle donc aux fintechs concernées qu’elle exige « un plan d’affaires incluant des projections financières sur au moins trois ans et reflétant également un scénario dégradé ». Par ailleurs, « les exigences de fonds propres retenues prennent en compte le scénario prévisionnel dégradé ».

Ces différentes hypothèses, qui doivent être décrites avant d’obtenir l’agrément, permettent à l’ACPR « de s’assurer que la société dispose des ressources financières suffisantes pour faire face aux pertes constatées au lancement de l’activité tout en couvrant les risques auxquels elle fait face ».

Car c’est bien là que le bât blesse, selon le rapport de l’ACPR, qui met le doigt sur un travers du modèle économique des startups. Celles-ci considèrent en effet que la rentabilité peut être palliée par les levées de fonds. Or, il y a un vrai besoin de « pérenniser les sources de financement de l’activité, y compris en cas de conjoncture défavorable venant limiter les possibilités de lever de fonds auprès d’investisseurs en capital-risque ».

L’ACPR émet également quelques critiques à l’égard du secteur bancaire. En effet, conformément à la réglementation, les établissements de paiement ou de monnaie électronique « sont tenus de protéger les fonds reçus de leur clientèle ».

Pour cela, ils disposent de deux méthodes : la méthode dite de cantonnement et d’investissement, qui consiste à déposer ces fonds sur un compte bancaire dédié, et/ou la méthode de couverture, qui permet de faire couvrir ces fonds par une assurance.

Or, comme l’explique l’ACPR, « les nouveaux acteurs rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver des banques ou des assureurs prêts à leur apporter la garantie demandée par la réglementation ».

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution rappelle aux banques concernées qu’elles sont dans l’obligation de « lui communiquer les raisons de tout refus d’ouverture des comptes de cantonnement conformément à l’article L.312-23 du Code monétaire et financier ».