Frais d'incidents bancaires : Les banques respectent-elles leurs engagements envers les clients fragiles ?

C’est une mesure qui a vu le jour fin 2018, au plus fort de la crise des gilets jaunes : les banques sont désormais tenues de ne pas prélever plus de 25 € par mois de frais d’incidents sur les comptes des clients les plus fragiles financièrement. Si des progrès ont été faits, tous les établissements ne respectent pas ce plafonnement. Bercy poursuit les contrôles et envisage de rendre publique la liste des banques qui ne tiennent pas leurs engagements.

Quels critères définissent un client en situation de fragilité financière ?

Pour connaître ces critères, il faut se référer à l’article R 312-4-3 du Code monétaire et financier.

Deux critères sont clairement définis et applicables de manière objective. Ainsi, sont considérés comme fragiles :

  • Les clients inscrits pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques, autrement dit les personnes en situation d'interdit bancaire.
  • Ceux ayant déposé un dossier de surendettement, reconnu comme recevable, à la Banque de France.

D’autres critères sont plus flous et sujets à interprétation. Un client peut être considéré comme fragile si son compte présente des irrégularités de fonctionnement et des incidents de paiement, ceci de manière répétée, pendant trois mois consécutifs. Toutefois, l’article ne précise pas à partir de quel nombre d’incidents de paiement ce caractère « répété » est applicable.

De la même manière, le Code monétaire et financier précise que les établissements doivent prendre en considération « le montant des ressources portées au crédit du compte », sans plus de précision.

Les banques disposent donc d’une certaine marge de manœuvre pour décider à qui elles accordent le statut de « client fragile ». Fin 2018, la Banque de France estimait que cette mesure pourrait bénéficier à 3,6 millions de personnes.

Un bilan mitigé et des contrôles renforcés

Dans une enquête publiée fin octobre 2019, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et l’association 60 millions de consommateurs estiment que les engagements des banques ne sont pas tenus.

Pour appuyer leur propos, ces deux associations ont effectué un test auprès de 104 clients en grande difficulté financière. Elles leur ont demandé de solliciter un entretien avec leur conseiller bancaire pour trouver une solution permettant de limiter les frais liés aux incidents bancaires. Le constat est amer : sur les 104 personnes réunies pour le test, 78 % des clients répondant aux critères objectifs de surendettement et/ou d’interdiction bancaire ne bénéficient d’aucun plafonnement des frais.

Après un entretien avec leur conseiller, seuls 27 % des clients ont bénéficié du remboursement d’une partie de leurs frais.

En revanche, selon la Banque de France, qui s’appuie sur les informations fournies par l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), « les premières données chiffrées montrent que les banques ont bien respecté leurs engagements et ont fait des progrès significatifs envers les clients fragiles. »

Bercy reprend ces conclusions, tout en reconnaissant que « les contrôles réalisés ont toutefois fait apparaître des déficiences ponctuelles dans l’application des engagements et de la réglementation. »

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État à l’Économie, a annoncé que de nouveaux contrôles seraient effectués. Les banques ne respectant pas leurs engagements seront mises en demeure de rectifier leurs pratiques et la liste des établissements ne se mettant pas en conformité pourrait être rendue publique.

Par ailleurs, l’Observatoire de l’inclusion bancaire a publié une série de critères permettant de mieux définir qui sont les clients fragiles. Les banques sont dès à présent invitées à appliquer ces recommandations.